Le Calvaire Read online

Page 12


  – Mais, c’est couché qu’il faut le voir, affirma-t-elle… Si vous saviez, il a un lit, des draps, un édredon, comme une personne… Chaque soir, je le borde… Et sa petite tête est si amusante, toute noire, là dedans… N’est-ce pas que vous êtes bien, bien drôlet, monsieur Spy ?

  Spy se choisit une place commode sur la robe de Juliette et, après avoir tourné, tourné, tourné, il se roula en boule, disparaissant presque entièrement, dans les plis soyeux de l’étoffe.

  – C’est ça !… Dodo, Spy, dodo, mon petit loulou !…

  Durant cette longue conversation avec Spy, j’avais pu examiner Juliette à mon aise… Elle était vraiment très belle, plus belle encore que je l’avais rêvée sous la voilette. Son visage rayonnait réellement. Il était d’une telle fraîcheur, d’une telle clarté d’aurore que l’air, alentour, s’en trouvait tout illuminé. Lorsqu’elle se détournait, ou se penchait, je voyais ses cheveux lourds, très noirs, descendre le long de sa robe, en une natte énorme, qui donnait je ne sais quoi de plus virginal et de plus jeune à sa jeunesse. Il me sembla qu’un pli droit, volontaire, se creusait au milieu du front, à la racine des cheveux, mais il n’était visible que dans certaines lumières, et l’éclatante douceur des yeux, l’excessive bonté de la bouche en tempéraient la dureté. Sous le vêtement ample, on sentait se cambrer un corps souple, nerveux, aux ondulations passionnées, aux puissantes étreintes ; ce qui me ravit, surtout, ce furent ses mains, des mains subtiles et adroites, d’une agilité surprenante, et dont chaque mouvement, même indifférent, même colère, était une caresse. Il m’eût été difficile de porter sur elle un jugement précis. Il y avait, en cette femme, un mélange d’innocence et de volupté, de finesse et de bêtise, de bonté et de méchanceté, qui me déconcertait. Chose curieuse ! à un moment, j’avais vu se dessiner, près d’elle, l’horrible image du chanteur des Bouffes. Et cette image formait, pour ainsi dire, l’ombre de Juliette. Loin de se dissiper, à mesure que je la regardais, l’image incarnait, en quelque sorte, une consistance corporelle. Elle grimaça, vire-volta, bondit avec des contorsions infâmes ; ses lèvres s’allongèrent, immondes, obscènes, vers Juliette qui l’attirait, dont la main plongeait dans ses cheveux, courait, frémissante, tout le long du corps, heureuse de se souiller à d’impurs contacts. Et l’ignoble pitre dévêtait Juliette, et me la montrait pâmée, dans la splendeur maudite du péché !… Je dus fermer les yeux, faire des efforts douloureux pour chasser cette abominable vision, et, l’image évanouie, Juliette reprit aussitôt son expression de tendresse énigmatique et candide.

  – Et surtout revenez me voir souvent, très souvent, me disait-elle, en me reconduisant, tandis que Spy, qui l’avait suivie dans l’antichambre, aboyait et dansait sur ses pattes grêles d’araignée.

  À peine dehors, j’eus un retour d’affection subite et violente pour Lirat, et, me reprochant de l’avoir quelque peu boudé, je résolus d’aller lui demander à dîner, le soir même. Durant le trajet de la rue Saint-Pétersbourg au boulevard de Courcelles, où Lirat demeurait, je fis d’amères réflexions. Cette visite m’avait désenchanté, je n’étais plus sous le charme du rêve et, rapidement, je retournais à la vie désolée, au nihilisme de l’amour. Ce que j’avais imaginé de Juliette était bien vague… Mon esprit, s’exaltant à sa beauté, lui prêtait des qualités morales, des supériorités intellectuelles, que je ne définissais pas, et que je me figurais extraordinaires ; de plus, Lirat, en lui attribuant, sans raison, une existence déshonorée et des goûts honteux, en avait fait une martyre véritable, et mon cœur s’était ému. Poussant plus loin la folie, je pensais que, par une irrésistible sympathie, elle me confierait ses peines, les graves et douloureux secrets de son âme ; je me voyais déjà la consolant, lui parlant de devoir, de vertu, de résignation. Enfin, je m’attendais à une série de choses solennelles et touchantes… Au lieu de cette poésie, un affreux chien qui m’aboyait aux jambes, et une femme comme les autres, sans cervelle, sans idées, uniquement occupée de plaisirs, bornant son rêve au théâtre des Variétés et aux caresses de son Spy, son Spy !… ah ! ah ! ah ! son Spy, cet animal ridicule qu’elle aimait avec des tendresses et des mots de concierge ! Et, tout en marchant, je donnais des coups de pied dans le vide, à un Spy imaginaire, et je disais, parodiant la voix de Juliette : « Oh ! amour, va !… Oh ! le bon chien !… Oh ! petit amour de Spy chéri. » Faut-il l’avouer, je lui en voulais aussi de ne m’avoir pas dit un mot de mon livre. Qu’on ne m’en parlât pas dans la vie ordinaire, cela m’était à peu près indifférent ; mais, d’elle, un compliment m’eût charmé ! Savoir qu’elle avait été émue à une page, indignée à une autre, je l’espérais. Et rien !… pas même une allusion ! Cependant, je me rappelais, je lui avais adroitement fourni l’occasion de cette… politesse.

  – Décidément, c’est une grue ! m’écriai-je, en sonnant à la porte de Lirat…

  Lirat me reçut les bras ouverts.

  – Ah ! mon petit Mintié, s’exclama-t-il, c’est très chic, de venir dîner avec moi… Et vous arrivez bien, je vous le dis… nous avons la soupe aux choux.

  Il se frottait les mains, semblait tout heureux… Il voulut me débarrasser de mon pardessus et de mon chapeau, et, m’entraînant dans la petite pièce qui lui servait de salon, il répéta :

  – Mon petit Mintié, je suis joliment content de vous voir… Viendrez-vous demain à l’atelier ?

  – Certainement.

  – Eh bien, vous verrez !… vous verrez !… D’abord, je lâche la peinture, comprenez-vous ?…

  – Vous entrez dans le commerce ?

  – Écoutez-moi… La peinture, c’est de la blague, mon petit Mintié !

  Il s’anima, tourna dans la pièce, en agitant les bras.

  – Giotto ! Mantegna !… Velasquez !… Rembrandt ! Eh bien ! quoi, Rembrandt !… Watteau ! Delacroix !… Ingres !… Oui, et puis après ?… Non, ça n’est pas vrai, la peinture ne rend rien, n’exprime rien, c’est de la blague !… c’est bon pour les critiques d’art, les banquiers, et les généraux qui font faire leur portrait, à cheval, avec un obus qui éclate au premier plan… Mais un coin de ciel, le ton d’une fleur, le frisson de l’eau, l’air… comprenez-vous ?… l’air !… toute la nature impalpable et invisible, avec de la pâte !… avec de la pâte ?

  Lirat haussa les épaules.

  – De la pâte qui sort des tubes, de la pâte fabriquée par les sales mains des chimistes, de la pâte lourde, opaque, et qui colle aux doigts, comme de la confiture !… Hein, dites, la peinture… quelle blague !… Non, mais avouez-le, mon petit Mintié, quelle blague !… Le dessin, l’eau-forte… deux tons… à la bonne heure !… Ça ne trompe pas, c’est honnête… et puis les amateurs s’en moquent, ne viennent pas vous embêter… ça ne tire pas de feux d’artifice dans leurs salons !… L’art vrai, l’art auguste, l’art artiste… le voilà !… La sculpture, oui… quand c’est beau, ça vous fiche des coups dans les entrailles… Et puis le dessin… le dessin, mon petit Mintié, sans bleu de Prusse, le dessin tout bête !… Viendrez-vous demain à l’atelier ?

  – Certainement.

  Il continua, coupant les phrases, heurtant les mots, se grisant de bruit et de paroles…

  – Je commence une série d’eaux-fortes… vous verrez… Une femme toute nue, qui sort d’un trou d’ombre, et qui monte, portée sur les ailes d’une bête… Renversée, les cuisses mafflues, avec des plis gras, des bourrelets de chair ignoble… un ventre qui s’étale et qui déborde, un ventre avec des accents terribles, un ventre hideux et vrai… une tête de mort, mais une tête de mort vivante, comprenez-vous ?… avide, goulue, tout en lèvres… Elle monte, devant une assemblée de vieux messieurs, en chapeau haute-forme, en pelisse et cravate blanche… Elle monte, et les vieux messieux se penchent sur elle, haletants, la bouche pendante et baveuse, les yeux convulsés… toutes les faces de la luxure, toutes !…

  Se campant devant moi, avec un air de défi, il poursuivit :

  – Et savez-vous comment j’appelle ça ?… le savez-vous, dites ?… J’appelle ça l’Amour
, mon petit Mintié. Hein ! qu’en pensez-vous ?…

  – Cela me paraît trop symbolique, hasardai-je.

  – Symbolique !… interrompit Lirat… Vous dites une bêtise, mon petit Mintié… Symbolique !… Mais c’est la vie !… Allons dîner.

  Le dîner fut gai. Lirat y déploya un esprit charmant, tout rempli d’aperçus originaux sur l’art et sur la littérature, sans outrance, sans paradoxes. Il avait retrouvé sa verve saine, comme aux meilleurs jours de sa vie. À plusieurs reprises, j’eus l’idée de lui avouer que j’avais été voir Juliette… Une sorte de honte me retint, je n’osai pas.

  – Travaillez, travaillez, mon petit Mintié, me dit-il, en nous quittant… Produire, toujours produire… tirer, de ses mains ou de son cerveau, n’importe quoi… ne fût-ce qu’une paire de bottes… il n’y a encore que ça, allez !…

  Six jours après, j’étais retourné chez Juliette, et j’avais pris l’habitude d’y venir, régulièrement, passer une heure, avant mon dîner. L’impression désagréable, ressentie lors de ma première visite, s’était effacée. Peu à peu, et sans que je m’en doutasse, je m’étais si bien accoutumé aux tentures rouges du salon, à l’Amour en terre cuite, aux bavardages enfantins de Juliette, à Spy même, qui était devenu mon ami, que, lorsque j’avais passé une journée sans les voir, il me semblait qu’un grand vide se creusait, cette journée-là, dans ma vie… Non seulement, les choses qui m’avaient tant choqué ne me choquaient plus, elles m’attendrissaient au contraire, et, chaque fois que Juliette conversait avec son chien, ou prenait de lui des soins exagérés, cela m’était véritablement une douceur, et comme une affirmation répétée de la naïveté et des qualités aimantes de son cœur. Je finis par parler, moi aussi, ce langage de chien… Un soir que Spy était souffrant, je m’inquiétai et, délicatement, écartant les couvertures et les ouates qui l’enveloppaient, je murmurai : « Il a du bobo, le petit Spy… Où ça, il a du bobo ? » Seule, l’image du chanteur surgissant, tout à coup, auprès de Juliette, troublait quelquefois la paix de ces réunions, mais je n’avais qu’à fermer les yeux, un instant, ou à tourner la tête, et elle disparaissait aussitôt.

  Je décidai Juliette à me conter sa vie. Elle avait toujours résisté, jusque-là.

  – Non, non ! disait-elle.

  Et elle ajoutait, avec un soupir, en me regardant de ses grands yeux tristes.

  – À quoi bon, mon ami ?

  J’insistai, suppliai.

  – C’est un devoir pour vous de me la révéler, et un devoir pour moi de la connaître.

  Enfin, vaincue par ce raisonnement que je ne me lassais pas de réitérer, sous des formes multiples et convaincantes, elle consentit… Ah ! quelle tristesse !

  Elle habitait Liverdun. Son père était médecin, et sa mère, qui menait une mauvaise conduite, avait quitté son mari… Quant à elle, Juliette, on l’avait mise en demi-pension chez les sœurs… Le père buvait et, chaque soir, rentrait ivre… alors, c’étaient des scènes terribles, car il était fort méchant. Le scandale devint tel que les sœurs, renvoyèrent Juliette, ne voulant pas garder chez elles la fille d’une mauvaise femme et d’un ivrogne… Ah ! quelle misérable existence ! Toujours enfermée dans sa chambre, n’osant pas sortir, et quelquefois battue, sans raison, par son père !… Une nuit, très tard, le père entra dans la chambre de Juliette et… (Comment vous exprimer cela ! disait Juliette rougissante… Oui, enfin, vous comprenez ?…) elle saute du lit, crie, ouvre la fenêtre… mais le père prend peur et s’en va… Le lendemain, Juliette partait pour Nancy, espérant vivre en travaillant… C’est là qu’elle avait connu Charles.

  Tandis qu’elle parlait, d’une voix douce et toujours pareille, je lui avais pris la main, sa belle main, que je serrais avec émotion, aux endroits douloureux du récit. Et je m’emportais contre le père infâme… Et je maudissais la mère abandonnant son enfant !… Je sentais s’agiter en moi de formidables dévouements, gronder de sourdes vengeances… Quand elle eut fini, je pleurais à chaudes larmes… Ce fut une heure exquise !

  Juliette recevait peu de monde ; des amis de Malterre, et deux ou trois femmes, amies des amis de Malterre. L’une d’elles, Gabrielle Bernier, grande blonde, très jolie, entrait toujours de la même façon.

  – Bonjour, Monsieur… bonjour, petite… Ne vous dérangez pas, je me sauve.

  Et elle s’asseyait sur un bras de fauteuil, en lissant son manchon, par gestes brusques.

  – Figurez-vous que j’ai encore eu une scène, tantôt, avec Robert… Quel type, si vous saviez !… Il s’amène chez moi et me dit en pleurnichant : « Ma petite Gabrielle, il faut que je te quitte, ma mère me l’a déclaré ce matin, elle ne me donnera plus d’argent. » – « Ta mère ! que je lui réponds… Eh bien ! tu peux lui dire à ta mère, et de ma part, que le jour où elle quittera ses amants, je te quitterai par la même occase… D’ici là, elle peut se fouiller, ta mère… » C’est-il pas vrai aussi, une vieille saleté comme ça !… Ce que Robert a pouffé !… Dites donc, nous allons à l’Ambigu, ce soir… Y venez-vous ?

  – Merci.

  – Alors, je me sauve !… Ne vous dérangez pas… Bonjour, Monsieur, bonjour, petite…

  Cette Gabrielle Bernier m’irritait beaucoup.

  – Pourquoi recevez-vous des femmes comme ça ? disais-je à Juliette.

  – Quel mal, mon ami ?… Elle m’amuse.

  Les amis de Malterre, eux, parlaient courses, vie élégante, avaient toujours des histoires de cercles et de femmes à raconter, ne tarissaient pas sur les choses de théâtre. Il me semblait que Juliette prenait plaisir, plus que de raison, à ces conversations ; mais je l’excusais, mettant ces complaisances sur le compte de la politesse. Jesselin, un jeune homme très riche, dont on vantait le sérieux, était le boute-en-train de la bandeet tous s’inclinaient devant son évidente supériorité : « Qu’en pensera Jesselin ? Il faut demander à Jesselin… Ce n’est pas l’avis de Jesselin… » On le courtisait fort. Jesselin avait beaucoup voyagé et connaissait mieux que personne les meilleurs hôtels du monde entier. Ayant été en Afghanistan, il n’avait retenu, de tout un voyage à travers l’Asie centrale, que cette particularité, c’est que l’émir de Caboul, avec qui il eut, un jour, l’honneur de faire une partie d’échecs, jouait aussi vite que les Français : « Non, ce qu’il m’a épaté, cet émir ! » Il répétait aussi, volontiers : « Vous savez si je m’en suis payé des voyages… Eh bien, je puis le dire… en sleeping, en cabine, en relègue, n’importe où et n’importe comment, à sept heures et demie, tous les soirs… en habit ! »

  Malterre ne m’aimait pas, bien qu’il se fût lié avec moi. D’une nature douce et timide, il n’osait me marquer son aversion, dans la crainte de déplaire à Juliette ; mais je la voyais sourdre dans son sourire de bon chien étonné ; mais je la sentais s’impatienter dans sa poignée de main.

  Je n’étais heureux que seul avec Juliette. Là, dans le salon rouge, sous l’égide de l’Amour en terre cuite, nous restions parfois de longs temps sans prononcer une parole. Je la regardais ; elle baissait la tête, et, songeuse, jouait avec les effilés de sa robe, ou les dentelles de son corsage. Souvent, mes yeux s’emplissaient de larmes, sans que je susse pourquoi : des larmes très douces, qui coulaient sur moi comme un parfum, m’inondaient l’âme d’une liqueur magique. Et j’éprouvais, dans tout mon être, une sensation de plénitude et de délicieux engourdissement.

  – Ah ! Juliette ! Juliette !

  – Voyons, mon ami, voyons, soyez sage !

  C’étaient les seuls mots d’amour qui nous échappassent…

  À quelque temps de là, Juliette donnait un grand dîner pour célébrer la fête de Charles. Pendant toute la soirée, elle se montra nerveuse, agacée. À Charles, qui lui adressa une observation timide, elle répondit durement, d’un ton bref que je ne lui connaissais pas. Il était deux heures du matin, quand tout le monde prit congé. J’étais demeuré seul, dans le salon. Près de la porte, Malterre me tournait le dos, causant avec Jesselin qui passait sa pelisse dans l’antichambre. Et je vis Juliette, accoudée au pia
no, qui me regardait fixement. Un éclair de passion farouche traversait ses yeux devenus graves tout à coup, presque terribles, les barrait comme d’une flamme nouvelle. Le pli de son front s’accentuait, sa narine battante et gonflée frémissait ; je ne sais quoi d’impudique errait sur ses lèvres. Je m’élançai. Et mes genoux cherchant ses genoux, mon ventre se collant à son ventre, ma bouche sur sa bouche, je l’enlaçai d’une étreinte furieuse.

  Elle s’abandonna, et d’une voix très basse, étranglée :

  – Viens demain ! dit-elle.

  Chapitre 5

  Je voudrais, oui, je voudrais ne pas poursuivre ce récit, m’arrêter là… Ah ! je le voudrais ! À la pensée que je vais révéler tant de hontes, le courage m’abandonne, le rouge me monte au front, une lâcheté me prend, tout à coup, qui fait trembler ma plume entre mes doigts… Et je me suis demandé grâce à moi-même… Hélas ! je dois gravir, jusqu’au bout, le chemin douloureux de ce calvaire, même si ma chair y reste accrochée en lambeaux saignants, même si mes os à vif éclatent sur les cailloux et sur les rocs ! Des fautes comme les miennes, que je ne tente pas d’expliquer par l’influence des fatalités ataviques, et par les pernicieux effets d’une éducation si contraire à ma nature, ont besoin d’une expiation terrible, et cette expiation que j’ai choisie, elle est dans la confession publique de ma vie. Je me dis que les cœurs nobles et bons me sauront gré de mon humiliation volontaire ; je me dis aussi que mon exemple servira de leçon… Si, en lisant ces pages, un jeune homme, un seul, prêt à faillir, se sentait tant d’effroi et tant de dégoût, qu’il fût à jamais sauvé du mal, il me semble que le salut de cette âme commencerait le rachat de la mienne. Et puis, j’espère, quoique je ne croie plus en Dieu, j’espère qu’au fond de ces asiles de paix, où, dans le silence des nuits rédemptrices, monte, vers le ciel, le chant triste et consolateur de ceux-là qui prient pour les morts, j’espère que j’aurai ma part des pitiés et des pardons chrétiens.