Le Calvaire Read online

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  – Non, non, misérable, jamais !… Quand j’ai pleuré, m’as-tu consolé ?… M’as-tu épargné une souffrance, une seule ?… Un seul instant, as-tu consenti à accepter ma misère, à vivre de ma vie ?… Tu n’es pas digne de partager ma gloire… Non… va-t’en !

  Et pour lui marquer mon mépris irrémédiablement, je lui jetterai des millions à la figure.

  – Tiens des millions !… En veux-tu des millions ?… Tiens, encore !

  Juliette se tordra les bras de désespoir ; elle criera :

  – Pitié, Jean !… pitié !… Oh ! de l’argent, je n’en veux pas !… Ce que je veux, c’est vivre cachée, toute petite, dans ton ombre, heureuse si un seul des rayons de la lumière qui t’entoure vient, un jour, se poser sur ta pauvre Juliette… Pitié !

  – As-tu eu pitié de moi, quand je t’ai demandé grâce !… Non !… Les filles comme toi, on les assomme à coups d’or !… Tiens ! en voilà encore !… Tiens ! en voilà toujours !

  Je marchais à grandes enjambées, parlant tout haut, faisant avec la main le geste de jeter des millions à travers l’espace.

  – Tiens, misérable ; tiens !

  Pourtant, mon impassibilité devant la pensée de Juliette n’était point si farouche, que la moindre femme aperçue ne me donnât une inquiétude, et que je ne sondasse, d’un coup d’œil impatient, l’intérieur des voitures qui, sans cesse, passaient dans la rue… Sur le boulevard, mon assurance tomba, et l’angoisse me ressaisit tout entier. De nouveau, je sentis une pesanteur intolérable sur mes épaules, et la bête dévorante, un instant chassée, s’abattit sur moi, plus féroce, enfonçant plus profondément ses griffes dans ma chair… Il avait suffi pour cela que je visse des théâtres, des restaurants, ces endroits maudits, pleins du mystère de la vie de Juliette… Les théâtres me disaient : « Cette nuit elle était là, ta Juliette ; pendant que tu gémissais, l’appelant, l’attendant, elle se pavanait dans une loge, des fleurs au corsage, heureuse, sans une pensée pour toi. » Les restaurants me disaient : « Cette nuit elle était là, ta Juliette… les yeux ivres de débauche, elle s’est vautrée sur nos divans disloqués, et des hommes qui puaient le vin et le cigare, l’ont possédée »… Et tous les jeunes gens que je rencontrais, fringants, superbes, me disaient aussi : « Ta Juliette, nous la connaissons… Est-ce qu’elle t’apporte un peu de l’argent qu’elle nous coûte ? » Chaque maison, chaque objet, chaque manifestation de la vie, tout me criait avec d’affreux ricanements : « Juliette ! Juliette ! » La vue des roses, chez les fleuristes, m’était une torture, et j’éprouvais des rages, rien qu’à regarder les boutiques et leurs étalages de choses provocantes. Il me semblait que Paris ne dépensait toute sa force, n’usait toute sa séduction que pour me ravir Juliette, et je souhaitais de le voir disparaître dans une catastrophe, et je regrettais les temps justiciers de la Commune, où l’on versait dans les rues le pétrole et la mort ! Je rentrai…

  – Il n’est venu personne ? demandai-je au concierge.

  – Personne, monsieur Mintié.

  – Pas de lettre, non plus ?

  – Non, monsieur Mintié.

  – Vous êtes sûr qu’on n’est pas monté chez moi, pendant mon absence ?

  – La clef n’a pas bougé de là, monsieur Mintié.

  Je griffonnai, sur ma carte, ces mots au crayon : « Je veux te voir. »

  – Portez cela rue de Balzac…

  J’attendis dans la rue, impatient, nerveux ; le concierge ne tarda pas à reparaître.

  – La bonne m’a dit que Madame n’était pas encore rentrée.

  Il était sept heures… Je gagnai ma chambre et je m’allongeai sur le canapé.

  – Elle ne viendra pas… Où est-elle ?… Que fait-elle ?

  Je n’avais pas allumé de bougies… Les fenêtres, éclairées par les lumières de la rue, glissaient dans la pièce un jour sombre, projetaient sur le plafond une clarté jaune, où l’ombre des rideaux se dessinait et tremblait… Et les heures s’écoulèrent, lentes, infinies, si infinies et si lentes qu’on eût dit que le temps, subitement, avait cessé de marcher.

  – Elle ne viendra pas !

  De la rue, m’arrivait le bruit ininterrompu des voitures ; les omnibus roulaient lourdement, les fiacres fatigués ferraillaient, les coupés passaient, plus légers et plus rapides… Quand l’un d’eux rasait le trottoir ou ralentissait son allure, je me précipitais à la fenêtre, que j’avais laissée entr’ouverte, et je me penchais vers la rue… Aucun ne s’arrêtait.

  – Elle ne viendra pas !

  Et, tout en disant : « Elle ne viendra pas ! » j’espérais bien que Juliette serait là dans quelques minutes… Que de fois je m’étais roulé sur le canapé, en criant : « Elle ne viendra pas ! » et Juliette était venue !… Toujours, au moment où je désespérais le plus, j’entendais une voiture s’arrêter, puis des pas dans l’escalier, puis un craquement dans le couloir, et Juliette apparaissait souriante, empanachée, emplissant la chambre d’un parfum violent, et d’un froufrou de soie remuée.

  – Allons, prends ton chapeau, mon chéri.

  Irrité par ce sourire, par ces toilettes, par ce parfum, exaspéré par l’attente, souvent, je la traitais durement.

  – Où as-tu été ? dans quels bouges t’es-tu traînée ?… Dis, dans quels bouges ?

  – Oh ! si c’est une scène, merci !… Je m’en vais… Bonsoir !… Moi qui ai eu toutes les peines du monde à me rendre libre, pour te retrouver ?

  Alors, tendant les poings, tous les muscles crispés, je hurlais :

  – Eh bien, va-t’en !… Va-t’en au diable !… Et ne reviens jamais, jamais !

  La porte à peine refermée sur Juliette, je courais après elle.

  – Juliette ! Juliette !

  Elle descendait l’escalier.

  – Juliette !… remonte, je t’en prie !… Juliette… attends, je vais avec toi.

  Elle descendait toujours sans détourner la tête. Je la rattrapais.

  Près d’elle, près de cette robe, de ces plumes, de ces fleurs, de ces bijoux, la fureur me reprenait.

  – Allons, remonte, ou je te casse la tête sur ces marches.

  Et, dans la chambre, je tombais à ses pieds.

  – Oui, ma petite Juliette, j’ai tort, j’ai tort… Mais je souffre tant !… Aie un peu pitié de moi !… Si tu savais dans quel enfer je vis !… Si tu pouvais, avec tes mains, écarter les cloisons de ma poitrine et voir ce qu’il y a dans mon cœur !… Juliette !… Ah ! je ne peux plus, je ne peux plus vivre comme ça !… Une bête aurait pitié de moi, je t’assure… Oui, une pauvre bête aurait pitié !

  Je lui pressais les mains, j’embrassais sa robe…

  – Ma Juliette !… je ne t’ai pas tuée… j’en avais le droit pourtant, je te le jure… je ne t’ai pas tuée !… Tu devrais me tenir compte de cela… C’est de l’héroïsme, car tu ignores, toi, ce qu’un homme qui souffre et qui est seul, toujours, peut concevoir de choses terribles et vengeresses… Je ne t’ai pas tuée !… J’espérais, j’espère encore !… Reviens à moi… j’oublierai tout, j’effacerai tout, mes douleurs et nos hontes… tu seras pour moi la plus pure, la plus radieuse des vierges… Nous nous en irons très loin… où tu voudras… Je t’épouserai !… Tu ne veux pas ?… Ce que je te dis, tu crois que c’est pour t’avoir à moi, davantage ? Jure que tu changeras d’existence, ou je me tue là, devant toi !… Écoute, je t’ai tout sacrifié, moi !… Je ne parle pas de ma fortune… mais ce qui faisait autrefois la fierté de ma vie, mon honneur d’homme, mes rêves d’artiste, j’ai tout abandonné, sans un regret, pour toi… Tu peux bien me sacrifier quelque chose à ton tour… Et qu’est-ce que je te demande ? Rien… la joie d’être honnête et bonne… Se dévouer, ma Juliette, se dévouer, mais, c’est si grand, si noble !… Ah ! si tu connaissais la volupté du sacrifice ?… Tiens !… Malterre, il est riche, lui… C’est un brave garçon, meilleur que les autres, il t’a aimée !… J’irai chez lui, je lui dirai : « Vous seul pouvez sauver Juliette, la retirer du monde où elle vit… Revenez à elle… et ne craignez rien de moi… j
e partirai… » Veux-tu ?…

  Juliette me regardait, étonnée prodigieusement. Un sourire inquiet errait sur ses lèvres… Elle murmura :

  – Allons, mon chéri, tu dis des bêtises… Ne pleure pas, viens !

  M’en allant, je continuais de gémir :

  – Une bête aurait pitié !… Oui, une bête…

  D’autres fois, elle envoyait Célestine pour me chercher, et je la trouvais couchée dans son lit, fraîche, triste et lasse. Je comprenais que quelqu’un était là, tout à l’heure, qui venait de partir ; je le comprenais au regard plus tendre de Juliette, à tout ce qui m’entourait, au lit qui avait été refait, à la toilette rangée avec un soin trop méticuleux, à toutes les traces effacées, et que je voyais reparaître dans leur réalité horrible et douloureuse. Je m’attardais dans le cabinet de toilette, fouillant les tiroirs, interrogeant les objets, descendant à un examen ignoble des choses familières… De temps en temps, de la chambre, Juliette m’appelait :

  – Viens donc, mon chéri !… qu’est-ce que tu fais ?

  Oh ! reconstituer son image, percevoir une odeur de lui !… Je humais l’air, dilatant mes narines, croyant saisir des senteurs fortes de mâle, et il me semblait que l’ombre de torses puissants s’allongeait sur les tentures, que je distinguais des carrures d’athlète, des bras héroïques, des cuisses nerveuses et velues, aux muscles bombants.

  – Viens-tu ?… disait Juliette…

  Ces nuits-là, Juliette ne parlait que d’âme, que de ciel, que d’oiseaux ; elle avait un besoin d’idéal, de rêveries célestes… Toute petite dans mes bras, chaste comme une enfant, elle soupirait.

  – Oh ! qu’on est bien ainsi !… Dis-moi de belles choses, mon Jean, des choses douces ainsi que dans les vers… J’aime tant ta voix… elle a des sons d’harmonium… parle-moi longtemps… Tu es si bon ; tu me consoles si bien !… Je voudrais vivre ainsi, toujours dans tes bras, ne pas bouger, et t’entendre !… Sais-tu aussi ce que je voudrais ?… Ah ! j’en rêve !… Avoir de toi une petite fille qui serait comme un chérubin, toute rose et blonde !… Je la nourrirais… et tu lui chanterais des chansons très jolies, pour l’endormir !… Mon Jean, quand je serai morte, tu trouveras dans ma caisse à bijoux un petit cahier rose, avec des dorures… C’est pour toi… tu le prendras… J’ai écrit là mes pensées, et tu verras si je t’aimais bien !… tu verras !… Ah ! il faudra se lever demain, sortir, quel ennui !… Berce-moi, parle-moi, dis-moi que tu aimes mon âme… mon âme !…

  Et elle s’endormait ; et elle était si blanche, si pure, que les rideaux du lit lui faisaient comme deux ailes.

  La nuit s’avançait ; le faubourg redevenait calme… De loin en loin, des voitures attardées rentraient, et, sur le trottoir, deux sergents de ville marchaient d’un pas lourd et traînant, toujours pareil !… Plusieurs fois, la porte de l’hôtel s’était ouverte et refermée ; j’avais entendu des craquements, des glissements de robe, des voix chuchotantes dans le couloir… Mais ce n’était pas Juliette !… Et, depuis longtemps, l’hôtel silencieux semblait dormir… Je quittai le canapé, allumai une bougie, regardai la pendule ; elle marquait trois heures.

  – Elle ne viendra pas !… Maintenant, c’est fini… elle ne viendra pas !

  Je me mis à la fenêtre… La rue était déserte, le ciel, au-dessus, tout sombre, pesait sur les maisons, comme un couvercle de plomb… Là-bas, dans la direction du boulevard Haussmann, de grosses voitures descendaient, ébranlant la nuit de leurs cahots sonores… Un rat courut d’un trottoir à l’autre, et disparut par un caniveau… Je vis un pauvre chien, tête basse, la queue entre les jambes, passer, s’arrêter aux portes, flairer le ruisseau, s’en aller, l’échine dolente… J’avais la fièvre, mon cerveau brûlait, mes mains étaient moites, et je ressentais, dans la poitrine, comme un étouffement.

  – Elle ne viendra pas !… Où est-elle ?… Est-elle rentrée ?… Ou bien dans quel coin de cette grande ombre impure se vautre-t-elle ?

  Ce qui m’indignait surtout, c’est qu’elle ne m’eût pas averti… Elle avait reçu ma carte… elle savait qu’elle ne viendrait pas… et elle ne m’avait pas envoyé un seul mot !… J’avais pleuré, je l’avais suppliée, je m’étais traîné à ses genoux… et pas un mot !… Quelles larmes, quel sang fallait-il donc verser pour attendrir cette âme de pierre ?… Comment pouvait-elle courir au plaisir, les oreilles encore pleines du bruit de mes sanglots, la bouche encore humide de mes prières ?… Les filles les plus perdues, les créatures les plus damnées ont parfois des arrêts dans leur existence de débauche et de proie ; il y a des moments où elles laissent le soleil pénétrer leur cœur refroidi, où, les yeux tournés vers le ciel, elles implorent l’amour qui pardonne et qui rachète !… Juliette ! jamais !… quelque chose de plus insensible que le destin, de plus impitoyable que la mort, la poussait, l’emportait, la roulait éternellement, sans un répit, sans une halte, des amours fangeuses aux amours sanglantes, de ce qui déshonore à ce qui tue !… Plus les jours s’écoulaient, plus la débauche marquait sa chair de flétrissures. À sa passion, jadis robuste et saine, se mêlaient aujourd’hui des curiosités abominables, et cet inassouvissement farouche, cet alcoolismede l’amour inextinguible, que donnent les plaisirs irréguliers et stériles. Hormis les nuits où l’épuisement revêtait les formes imprévues de l’idéal le plus pur, on sentait sur elle l’empreinte de mille corruptions différentes et raffinées, de mille fantaisies perverses de blasés et de vieillards. Il lui échappait des paroles, des cris, qui ouvraient sur sa vie, brusquement, des horizons de fange enflammée ; et, bien qu’elle m’eût communiqué l’ardeur dévorante de ses dépravations, bien que j’y goûtasse une sorte de volupté infernale, criminelle, je ne pouvais, souvent, regarder Juliette sans frissonner de terreur !… En sortant de ses bras, honteux, dégoûté, j’avais ce besoin qu’ont les réprouvés de contempler des spectacles tranquilles, reposants, et j’enviais, avec quels cuisants regrets ! j’enviais les êtres supérieurs qui ont fait de la vertu et de la pureté les lois inflexibles de leur vie !… Je rêvais de couvents où l’on prie, d’hôpitaux où l’on se dévoue… Un désir fou s’emparait de moi d’entrer dans les bouges afin d’évangéliser les malheureuses créatures qui croupissent dans le vice, sans une bonne parole ; je me promettais de suivre, la nuit, les prostituées dans l’ombre des carrefours, et de les consoler, et de leur parler de vertu, avec une telle passion, avec des accents si touchants, qu’elles en seraient émues, pleureraient et me diraient : « Oui, oui, sauvez-nous »… J’aimais à rester des heures entières, dans le parc Monceau, regardant jouer les enfants, découvrant des paradis de bonheur, en l’œil des jeunes mères ; je m’attendrissais à reconstituer ces existences, si lointaines de la mienne ; à revivre, près d’elles, ces joies saintes, à jamais perdues pour moi… Le dimanche j’errais dans les gares, au milieu des foules joyeuses, parmi les petits employés et les ouvriers qui s’en allaient, en famille, chercher un peu d’air pur, pour leurs pauvres poumons encrassés, prendre un peu de force pour supporter les fatigues de la semaine. Et je m’attachais aux pas d’un ouvrier dont la physionomie m’intéressait ; j’aurais voulu avoir son dos résigné, ses mains déformées, noircies par le travail rude, son allure gourde, ses yeux confiants de bon dogue… Hélas ! j’aurais voulu avoir tout ce que je n’avais pas, être tout ce que je n’étais pas !… Ces promenades, qui me rendaient plus pénible encore la constatation de mon abaissement, me faisaient pourtant du bien, et j’en revenais, chaque fois, avec des résolutions courageuses… Mais, le soir, je revoyais Juliette, et Juliette, c’était l’oubli de l’honneur et du devoir…

  Au-dessus des maisons, le ciel s’éclairait d’une faible lueur, annonçant l’aube prochaine ; et, j’aperçus, au bout de la rue, dans l’ombre, deux points brillants, deux lanternes de voiture qui vacillaient, se balançaient, s’avançaient, pareilles à deux becs de gaz errants… J’eus un espoir, un instant d’espoir… la voiture approchait, dansant sur les pavés, les lumières grandissaient, le bruit s’accélérait… Il me sembla que je reconnaissais le roule
ment familier du coupé de Juliette !… Mais non !… Tout à coup, la voiture obliqua sur sa gauche, disparut… Et, dans une heure, ce serait le jour !

  – Elle ne viendra pas !… Cette fois, c’est bien fini, elle ne viendra pas !

  Je fermai la fenêtre et me recouchai sur le canapé, les tempes battantes, tous les membres endoloris… En vain, j’essayai de dormir… Je ne pus que pleurer, sangloter, crier :

  – Oh ! Juliette ! Juliette !

  Ma poitrine était en feu, j’avais dans la tête comme un bouillonnement de lave… Mes idées s’égaraient, tournaient en hallucinations… Le long des murs de ma chambre, des belettes se poursuivaient, bondissaient, se livraient à des jeux obscènes… Et j’espérai que la fièvre m’abattrait, me coucherait dans mon lit, m’emporterait… Être malade !… Oh ! oui, être malade, longtemps, toujours !… Juliette s’installait près de moi, elle me veillait, me soulevait la tête pour me faire boire des remèdes, elle reconduisait le médecin en disant des choses à voix basse ; et le médecin avait un air grave :

  – Mais non ! mais non ! Madame, tout n’est pas désespéré… Calmez-vous.

  – Ah ! docteur, sauvez-le, sauvez mon Jean !

  – C’est vous seule qui pouvez le sauver, puisque c’est de vous qu’il meurt !

  – Ah ! que puis-je faire ?… Dites, docteur, dites !

  – Il faut l’aimer, être bonne…

  Et Juliette se jetait dans les bras du médecin…

  – Non ! C’est toi que j’aime… viens !

  Elle l’entraînait, pendue à ses lèvres… et, dans la chambre, ils cabriolaient, sautaient au plafond et retombaient sur mon lit, enlacés.

  – Meurs, mon Jean, meurs, je t’en prie !… Ah ! pourquoi tardes-tu tant à mourir ?…

  Je m’étais assoupi… Quand je me réveillai, il faisait grand jour… Les omnibus, de nouveau, roulaient dans la rue ; les marchands ambulants glapissaient leurs ritournelles matinales ; contre ma porte, dans le couloir où des gens marchaient, j’entendais le grattement d’un balai.